Huile sur toile. École romaine de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe siècle.
Notre délicate composition, peinte sur une épaisse toile romaine, met en scène un des épisodes de l’Evangile selon Jean les plus représentés dans l’art occidental. Bien que sa portée théologique soit bien mince au regard des grands symboles de la foi (annonciation, nativité, passion, résurrection et ascension), cette rencontre a inspiré les peintres car elle met en scène un exercice particulièrement délicat et complexe de la vision, sens primordial sollicité par l’art pictural. Dürer, le Titien, le Baroche, le Corrège, Rembrandt, Rubens ou encore Poussin ont su y discerner non pas la vision extatique d’un prodige, mais une intrigue délicate qui se noue entre le visible et l’invisible, chacun des deux appelant et repoussant l’autre.
Dans un décor classique de campagne romaine, Madeleine ouvre les bras devant son Maître qui lui apparait. Subtile et pleine de retenue, la scène est une véritable ode à la grâce. Le mouvement et les gestes du Christ ressuscité sont si élégants qu’ils paraissent empruntés à l’art du ballet. Jésus tient une pelle car lorsqu’il apparait, Madeleine, ne l’imaginant pas vivant, croit d’abord qu’il s’agit d’un jardinier (ces compositions sont aussi intitulées « le Christ jardinier »). Lorsqu’elle découvre que c’est son Seigneur qui se tient devant elle, elle parait vouloir l’étreindre, il prononce alors ces mots: « Noli me tangere » traduction latine par Jérôme de l’original grec de Jean « Mè mou haptou ». Le sens du message peut se résumer ainsi : Ne me touche pas, laisse-moi partir car je ne suis pas encore monté vers le Père.
Avec un style retenu et une palette de couleurs délicates, notre composition renvoie à l’œuvre de Carlo Maratta dont la pureté et la grâce ont été célébrées par le biographe Giovan pietro Bellori dans ses « Vite di pittori, scultori, ed architetti moderni ». Et les lourds drapés faisant penser à « des étoffes imaginaires, semblables à du gros papier » (1) paraissent avoir été brossés par le maître romain.
Notre tableau s’offre au regard du spectateur dans un fort cadre italien à profil renversé en bois doré.
Dimensions : 94,5 x 68,5 cm – 111 x 85 cm avec le cadre
Biographie:
Carlo Maratta ou Maratti (Camerano, Ancône 1625 – Rome 1713) entre très jeune dans l’atelier d’Andrea Sacchi duquel il ne se détachera qu’en 1661 (à la mort de ce dernier). Formé à l’étude des œuvres de Raphaël et du Carrache, il adhère à la tendance classique du baroque tardif romain. Protégé par Alexandre VII, il travailla principalement à Rome avec une élégance formelle. Il produit de grands tableaux d’autel (Visitation, 1656, Santa Maria della Pace ; Mort de Saint-François-Xavier, 1679, Église de Jésus ; Gloire de Saint-Ambroise et Saint-Charles, 1685-90, San Carlo al Corso), des portraits forts (Maria Maddalena Rospigliosi, Louvre Paris; Andrea Sacchi, Prado Madrid; cardinal Antonio Barberini, Galleria nationale Rome). Et d’importantes fresques (Triomphe de la Clémence, Palazzo Altieri Rome; Naissance de Vénus, Villa Falconieri Frascati), qui se caractérisent par leur composition grandiose et leurs arrangements chromatiques harmonieux. Son énorme production domine tout l’art romain de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle.
Bibliographie
– Maratti e l’Europa. L. Barroero, S. Schütze, S. Prosperi Valenti Rodino. Editeur Campisano 2015
– Patronage and devotion. A focus on six roman baroque paintings. Giovan Battista Fidanza et Guendalina Serafinelli. Editeur Holberton 2022
– Da Rubens a Maratta. Le meraviglie del barocco nelle Marche. Catalogo della mostra (Osimo, 29 giugno-15 dicembre 2013) vol. 2 – Osimo e la Marca di Ancona. Sgarbi, Vittorio (a cura di). Editeur par Silvana Editoriale 2013
(1) Jacques-Nicolas Paillot de Montabert