Ample Coupe montée à usage de Jardinière en porcelaine à fond bleu dit Bleu de four de forme ovoïde à l'épaulement parcouru d'une galerie ajourée festonnée d'une frise de motifs tréflés. Elle repose sur un piédouche en balustre à noeud en bronze doré et argenté ciselé d'une corbeille, de motifs en frises de ruban, oves, rais-de-coeur, culots, fleurons et motifs détachés de volutes d'acanthe grainées . Ce dernier, enchâssé dans un piétement à jambages d'acanthe porté par trois chimères ailées. Ornée sur sa face d'un cartouche à enroulements de cuirs découpés d'inspiration Néo-renaissance. Centrée d'un masque de Cérès couronné d'une coquille, de gerbes de blé bourgeonnantes et fleurettes en applique, la panse renflée de la coupe est flanquée par deux amples anses à motifs imbriqués de corne d'abondance feuillagée stylisée et fleuron d'acanthe. Juchés sur celles-ci, deux volatiles affrontés- Aigrette , Héron- aux ailes entrouvertes animent la composition d'ensemble de cette coupe au parti esthétique éclectique.
Pavoisée d'embaumantes et délicates floraisons,panachée de génèreuses et vivaces frondaisons, la jardinière confère aux spacieux intérieurs feutrés des appartements bourgeois du Paris hausmannien cette note de ravissement enchanteur si ardemment recherchée par la société de l'époque.
En 1865, Alexandre Bixio concédait: " Parmi les personnes opulentes, l'usage s'est établi de ne plus donner un bal, une soirée, une réunion, en hiver, sans une profusion de fleurs rares, soit cueillies, soit vivantes; il faut des caisses d'arbustes sur l'escalier et dans le vestibule; il faut des bouquets éclatants et parfumés sur la table du festin; toutes les dames joignent un bouquet à l'inévitable éventail".
Des années 1860 jusqu'à l'orée du XXe siècle, point d'antichambre, de salon ou encore de boudoir dépourvus d'une jardinière. Garnissant le manteau d'une cheminée, parant un guéridon,officiant en centre de table ou placée devant une fenêtre, celle-ci, quelque soit sa forme-coupe de porcelaine montée, petit meuble "à mains" ou sur pieds en bois marqueté garni de bronzes-, fait partie intégrante de toute décoration intérieure avisée. Aussi, est-elle "selon le degré d'élégance ou de simplicité que comporte l'ameublement avec lequel elle doit être en harmonie", "plus ou moins riche, plus ou moins ornée"*. L'objet utilitaire se mue en objet d'art attrayant voir original.
Ce qu'illustre avec habilité et esprit par son chromatisme recherché, ses choix stylistiques, notre Coupe-jardinière.
Une monture en bronze doré joliment ciselée de volutes aux aériens déliés, de fins ajours dentelés densifie de son éclat le corps de la coupe nimbé de ce bleu profond dit Bleu de four associé aux créations des Manufactures de Sèvres et de Limoges. Disposé en applique, un opulent mascaron centré d'une tête féminine lui confère richesse et panache. Des rehauts d'argenture ajoutent une note de préciosité à l'ensemble. Aux motifs d'inspiration Néo-Renaissance ( cornes d'abondance stylisées, rosaces, volutes, fleurons,rosaces feuillagés d'acanthe, cartouche à cuir découpé, chimères ailées, ..) choisis pour leur raffinement formel s'adjoint une judicieuse corbeille issue du bucolique XVIIIe siècle.Plus hardies sont les figures animalières de l'Aigrette et du Héron qui dynamisent l'ensemble de la composition: ces "échassiers" "très en vogue" (Camille Mestagh) à la fin du siècle dernier témoignent du Japonisme qui traverse depuis l'Exposition Universelle de 1867 les arts décoratifs parisiens.
Tant par le choix de ses matériaux que par ses multiples référents esthétiques, la Coupe-Jardinière présentée constitue un bel exemple de l'éclectisme sévissant dans la capitale autour des années 1880.
Pour ne point émaner des créations japonisantes promues par des établissements réputés ( Christofle, Duvinage, L'Escalier de Cristal, La Maison des Bambous), cette ravissante pièce décorative a le mérite-et, non des moindres-de convoquer dans son lexique ornemental l'imaginaire d'une époque: à l'heure des festivités automnales, hivernales , le visage centré de Cérès , déesse tutélaire de L'Eté et des moissons (épis de blé) remémore à chacun les champêtres lieux de villégiature (corbeille en vannerie) où, aux abords de pièces d'eau survolées d'oiseaux migrateurs, on se surprend à rêver d'exotiques contrées.
Réceptacle de l'attention domestique et mondaine, la jardinière ,"véritable jardin en miniature" fut considérée au cours de la seconde moitié du XIXe siècle comme l'un des objets ou "l'un des plus jolis meubles qui puissent décorer un appartement". De nos jours, bouquets fleuris, plantes feuillues ou exquises orchidées en ranimeront les charmes.
Travail parisien de qualité du derniers tiers du XIXe siècle, de Style éclectique. Circa 1880.